Yves Chaland, le prince de la Ligne claire
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"La ligne claire"...
Ce style graphique désigne un dessin "linéaire, continu, refusant toute ombre, tout volume susceptibles d'altérer la lisibilité de l'ensemble", nous explique Patrick Gaumer dans son imposant Dictionnaire mondial de la Bande Dessinée. C'est un concept forgé par le dessinateur hollandais Joost Swarte en 1977 et popularisé en France par Ted Benoît et quelques autres figures de ce mouvement qui marque un retour au style graphique franco-belge au début des années 80... Pour pérenniser ce retour à la tradition et lui donner une dimension toute moderne, il fallait en France un chef de file et un théoricien. Yves Chaland a été ce passeur unique dans l'histoire de la BD.
Une seule passion : la BD franco-belge
Né à Nerac en 1957, l'année de la naissance de Gaston Lagaffe, Yves Chaland n'a eu qu'une seule passion : la BD franco-belge. Après des études à Saint-Etienne, il "monte" à Paris en 1978 et publie ses premières planches dans le magazine Métal Hurlant. Au départ consacré à la seule science-fiction, ce journal fondé par Moebius et Druillet s'ouvre alors à toutes les recherches graphiques. Des noms émergent, dont le dessin est loin des intentions originelles du mensuel : Frank Margerin, Dodo et Ben Radis, Serge Clerc, Ted Benoît... En fait, toute une génération de nouveaux créateurs s'identifie dans ce support qui a rénové la BD française. Chaland sera au coeur de cette mouvance. Il lui apporte une démarche qui tient du déboulonnage de la statue du style franco-belge qui prend désormais un coup de vieux, en même temps qu'il récupère les éléments intemporels de cette école graphique pour lui donner le nouvel habit de la modernité.
Une influence internationale
Parodie, caricature, pastiche, mimétisme... Il y a un peu de tout cela à la fois. Le dessin de Chaland a cette qualité : il entre de plain-pied dans nos souvenirs d'enfance et touche à nos constructions affectives sans qu'on soit capable de s'en défendre. Avec une dizaine d'albums (les séries Le Jeune Albert, Freddy Lombard, Bob Fish...), son influence est profonde et internationale. Des dizaines de dessinateurs contemporains ont été fascinés par son travail et Paul Pope, un des plus talentueux jeunes Turcs de la nouvelle BD américaine, le cite comme une des ses influences cardinales. En forme d'hommage, une maison d'édition allemande porte le nom d'un des albums de Freddy Lombard : F52. Chaland n'a été publié que de façon sporadique par ses éditeurs traditionnels, cet anniversaire devrait permettre de retrouver quelques-uns de ses joyaux qui ont marqué l'histoire de la BD française XXe siècle.
Didier Pasamonik
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