Le Jeune Albert
Edition complète


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Le Jeune Albert Date de parution : 1993
Nombre de pages : 78
Editions : Les Humanoïdes Associés



           L'édition la plus complète des histoire du Jeune Albert, à préférer à l'édition originale. On y trouve en effet en plus :

  • dans le pli de la couverture de la jaquette : un éditorial avec reproduction de la dernière planche du Métal Hurlant 133 ;
  • dans le pli du dos de la jaquette : une biographie de Chaland et un dessin d’Avril : Chaland vu par Avril ;
  • 6 pages de présentation : « Albert ou la revanche du faire valoir » avec textes et planches « grand format » d’Albert. Dans ces planches, on trouve notamment la célèbre et hilarante « retape tes albums » ;
  • de la page 55 à la page 78, des histoires indédites.

               Pour lire une petite présentation de l'album, lire la page de l'édition originale. Laissons plutôt ici la parole à Jean-Luc Fromental, signataire de la préface de cette édition :

    « Ceux qui ont eu le privilège de la vivre en temps réel gardent un souvenir ému de la croissance du Jeune Albert. C'est à partir du mois de janvier 1982 que Métal Hurlant a réservé à ce petit Belge odieux la moitié intérieure de sa troisième de couverture, ce que dans le jargon des feuilletonistes du XlXème on appelait un « rez-de-chaussée ». Pour les forçats de la rédaction, comme pour les plus assidus de leurs lecteurs, la découverte de ces deux strips mensuels était une délectation, la cerise sur quatre semaines d'efforts frénétiques pour boucler un magazine réalisé comme il se doit dans l'urgence et la confusion. Un instant de bonheur parfait, un miracle à répétition. Six cases pour piocher une idée ou démasquer un trait humain, pour éveiller un rire d'une tonalité chaque fois différente sur le clavier de l'humour. Un tour de force comparable à celui que nous admirions vingt ans plus tôt sous le pinceau de Franquin lorsqu'il animait le personnage de Gaston Lagaffe dans le Journal de Spirou.
    Nous étions déjà nombreux à savoir que Chaland était un maître, un de ces virtuoses comme il n'en vient qu'un ou deux par génération. C'est sur cette intuition que Dionnet l'avait arraché aux Beaux-Arts de Saint-Etienne. Mais beaucoup d'hypothèques pesaient encore sur son avenir. Si les trois albums qui constituaient alors sa biographie recelaient en germe toute l'oeuvre future, il restait à prouver qu'il saurait échapper au passéisme qui encombrait ces travaux initiaux.
    Captivant, Bob Fish et, dans une moindre mesure, le premier Freddy Lombard pastichaient sans remords les bandes des années 50. Avec une candeur parfaitement feinte, Chaland s'y faisait l'amplificateur des préjugés et des outrances moralisatrices qui avaient nourri nos enfances d'après-guerre. C'était à la fois l'indice d'une ironie libre et mordante, débarrassée des tabous de l'heure - cette « bonne pensée » soixante-huitarde, ancêtre du « politically correct » américain d'aujourd'hui - et une limite à l'épanouissement du champ de ses perceptions et de son expression.
    Une case du Jeune Albert Ce champ était tracé. En équilibre instable entre infantilisme et maturité, la bande dessinée a toujours posé la question de son utilisation. A quoi peut servir un tel médium ? La politique d'auteurs menée par
    Métal Hurlant permettait à chacun d'apporter sa réponse personnelle. Moebius s'en servait pour explorer sa spiritualité naissante, Serge Clerc visitait le frivole et l'éphémère, Montellier la condition de la femme, et ainsi de suite. Chaland savait déjà que son territoire d'élection était l'âme humaine, observée de préférence du côté de sa face sombre. Il lui restait à trouver un véhicule plus adéquat que les héros ringards et caricaturaux peuplant les pages de Captivant.
    Albert n'est pas le fruit de la génération spontanée. Il apparaît pour la premiére fois dans le sillage de Bob Fish, sous le nom d'AI Memory, en la personne d'un jeune émule du détective. Il est en quelque sorte le Gégène de ce Valhardi d'opérette. Hargneux, cruel, raisonneur, lucide et belge, il réunit d'emblée toutes les qualités propres à en faire un pilier central de la basilique de Chaland. La bande dessinée adore ses faire-valoir. Ce n'est pas un hasard si le Capitaine Haddock, Obélix ou le Marsupilami sont devenus au fil du temps aussi populaires que les personnages qu'ils étaient censés épauler. Les héros sont toujours moins humains que leurs comparses.
    Dès la deuxième histoire de Bob Fish qui n'a jamais été achevée, mais dont existent deux versions crayonnées, on voit Albert prendre de l'importance. Au point que la première de ces deux moutures se termine sur la mort du détective et son remplacement par son disciple. Cette hypothèse est heureusement restée sans lendemain. Bob Fish a été renvoyé à ses limbes. Conscient de la nécessité de diversifier son travail, à la fois dans ses rythmes et ses orientations, Chaland a réservé à Freddy Lombard la filière de la grande aventure exotique tandis qu'il lançait Albert sur la piste d'investigations autrement intimes et quotidiennes.
    Il entre de façon évidente une large part d'autobiographie dans les pages qui suivent. C'est le secret de ce chef-d'oeuvre. En appliquant son oeil sarcastique à l'observation de ses humeurs et de ses tourments intérieurs, Chaland - qui, à l'exemple de Flaubert, aurait pu s'écrier: « Le Jeune Albert, c'est moi ! » - échappe à la caricature et rencontre de plein fouet certaines vérités universelles. La méchanceté, la lâcheté, la veulerie, la trahison, mais aussi la quête désespérée de l'amour et l'exercice d'un héroïsme ordinaire sont quelques-uns des grains de sable qui donnent à la créature humaine sa grandeur et autour desquels s'est cristallisée cette rivière de perles, ce joyaux sombre, unique dans l'histoire de la bande dessinée. »

    Jean-Luc FROMENTAL
    4 décembre 1992